La mangue et le fruit-à-pain, de vraies merveilles

Il y a tout une catastrophe qui s’abat sur nos fruits actuellement : pourront-ils encore s’exporter ? Il faudrait que nos décideurs s’étouffent avec un noyau de mangue sucée car ce sont eux qui ont promis monts et merveilles à nos agriculteurs s’ils diversifiaient. 

A propos de mangues… Pour les mangues mûres surtout, nous connaissons tous plus ou moins l’indécrottable mangue américaine. Mais aussi de la mangue-carotte, la mangue-emblème de chez nous : mangue verte èk piment crazé, ça lé dos! Et dans une salade de fruits, c’est encore et toujours la « carotte » qui domine. Certains auront une préférence pour la josé avec sa chair parfumée et délicate que nous suce jusqu’au noyau.

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Mais pour un bon rougail mangue, un vrai de vrai, c’est la mangue sauvage. Quelques bazardiers ont recommencé à en proposer depuis quelque temps. Une mangue plus acide que les autres, qui demande à être battue « èk deux couteaux » comme chez mémé Bovalo : on laisse mijoter les miettes dans de l’eau salée deux bonnes heures, on presse, on égoutte, et on aménage : huile, sel, piment, point ! Ça in rougail mangue, ça !

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Parlons d’une bestiole qui avait autrefois une place d’honneur sur nos tables : le fruit-à-pain.  Aujourd’hui, la plupart l’ignorent. Il y en a partout car ce fruit a la gentillesse de s’offrir à qui veut. Meilleure courtisane tu meurs !

On peut faire, avec le fruit-à-pain, mille fois mieux qu’avec des pommes-de-terre, parce que le goût est incomparable : cuit avec de la viande ; en velouté ; en purée ; en boulettes-la-morue (aucun acra ne lui arrive à la cheville !) ; en frites (vos mômes adoreront) ; grillé sur le gaz pour accompagner vos brochettes… C’est « LE » fruit par excellence.

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Il est navrant de voir qu’il y a autant d’arbres-à-pain ici mais que ces fruits pourrissent lamentablement, ne profitant qu’aux moustiques, aux martins et aux rats. Il y a tant de gens qui ne mangent pas à leur faim…

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La malicieuse saveur du Bilimbi

Petit fruit proche de son cousin le carambole, il fait le bonheur et le régal des familles créoles. Cette plante venant d’Indonésie a été introduite à la fin du 18 ème siècle dans les Mascareignes par les colons français. Si autrefois, on le trouvait fréquemment dans les jardins et vergers des riches demeures, aujourd’hui,  il faut allait chiner dans les sous-bois. 

Ça vient de très loin

Le bilimbi, ah ! le bilimbi. D’un vert vif, agglutiné par paquets de vingt directement au tronc, com’ carapates su tété bèf, ces espèces de cornichons (ressemblance frappante), sont unanimement méprisés en raison d’une aigreur prononcée et pourtant il est succulent!

A la Réunion, il plutôt utilisé dans les rougails pour en relever le goût; tandis qu’à Maurice, on le trouve en achards en accompagnement du curry de poisson.

A vous d’essayer!

Vous prenez une poignée de ces petits fruits et vous leur ôtez la peau, en lamelles ou en allumettes. Vous jetez la partie centrale spongieuse dan’ mangé cochon et vous préparez votre cari ou votre daube (bœuf, cochon, sauce poisson, gras-doub’, la queue bèf). Lorsque le plat est presque cuit, vous jetez les bilimbis dedans, vous tournez vigoureusement et vous attendez 5 minutes. L’acidité très vive (ça lé aig’ voui !) donnera juste une suave teneur acide à votre plat. C’est typiquement malgache, mahorais, africain… donc créole. (petite recette de Jules).

 

 

le café grillé un tradition lontan

Si aujourd’hui beaucoup d’entre nous préfèrent les machines à expresso pour leur simplicité, il reste dans nos souvenirs d’enfance un ustensile qui a disparu des cuisines, la « grek » une petite cafetière qu’utilisaient nos mémés.

Un vrai parcours du combattant pour son utilisation car il ne faut pas juste bouillir de l’eau, non, il faut d’abord griller le café.

« Je me souviens de ma mémé, qui se levait aux aurores, il faisait encore nuit dehors. Dans notre « ti caz » en tôle, l’air frais circulait inlassablement. Je rabattais souvent la couverture sur ma tête à cause des moustiques qui prenaient un malin plaisir à émettre ce bruit strident dans mes oreilles. C’était vraiment insupportable! Mais, ce qui me faisait rester éveiller, c’était cette odeur du café qui était omniprésente dans ma chambre » se rappelle Caroline.

Le rituel de Mémé

Longtemps, je restais blottis sous la couverture pour ne pas me lever mais le rituel de mémé m’intriguait. Et un jour, je l’ai suivi discrètement. A travers les nacots de la cuisine, je la voyais se pencher et prendre sous l’évier, une vieille marmite à riz complètement brûlée.

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Elle l’a rinça un peu et l’a mis sur les feux du réchaud en fonte. Et quand la marmite fut bien chaude, elle versa au fond un sachet de café vert . Avec un gros morceau de bois, elle tournait, et tournait continuellement. « Oté mémé lé pas fatigué don?? »

Des gouttes de sueurs coulaient sur son visage ridé, mais elle continuait à touiller avec un grand sourire. Si cela durait 1 heure au moins, ce fut une éternité pour ma petite personne de 8 ans. Je commençais à crouler sous la fatigue à force de rester percher sur mes talons pour pouvoir regarder à travers les nacots.

Quand Mémé avait fini de griller son café, elle le moulut. Sur son vieux réchaud, elle faisait chauffer l’eau dans une bouillotte. Quand celle-ci sifflait, elle renversait l’eau bouillante petit à petit sur le café moulu dans le filtre. Il fallait remplir la cafetière ! Puis quand c’était fini, Mémé remplissait deux bouteilles en verre de ce fameux café maison qui lui servaient de stock pour la semaine. Le lendemain quand elle se réveillait, elle utilisait la grek pour réchauffer son café, et celui de toute la famille. Le café était brûlant et si bon.

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Souvenirs, souvenirs

Je sentais son odeur merveilleuse et magique dans toute la maison qui me remplissait d’émotions. Quels souvenirs, quelle nostalgie! Il n’y a rien de meilleur que le café de notre mémé , et je reste persuadée qu’il plairait bien aux amateurs d’expresso d’aujourd’hui. J’ai essayé toutes les marques de café mais je n’ai jamais retrouvé cette saveur subtile, ce goût intense de café de ma Mémé.
Aujourd’hui encore, il m’arrive de retrouver Mémé , de boire un bon café maison et de partager avec elle les souvenirs de mon enfance.

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Pour toutes nos mémés qui nous ont quitté, grosses pensées à vous « oté grand mère coq lé té out réveil sak lé mienne lé té l’odère café« .. A jamais dans nos cœurs.

Pour tous les amateurs de bon café mémé, cette histoire vous devez la partager.

La moque en tôle dan l’ temps lontan

Longtemps, un gobelet en tôle,  » la moque « , servit de mesure dans les cases, aussi bien les modestes masures que les plus grandes demeures ; des mesures de liquide (rhum, huile…) comme cela se faisait chez le Chinois.

Il était en tôle mais il pouvait y en avoir aussi en bois car nos artisans, habiles faiseurs, étaient alors capables de fabriquer de petits ustensiles parfaitement cylindriques et qui ne fuyaient pas, de différentes contenances, un quart, un demi-quart, un demi-litre…

Chez le Chinois, pour ne pas se salir la main ni ce qu’on servait au client, il était joint au quart un long manche en bois vertical. Ce sympathique petit objet familier avait très exactement une contenance de 20 centilitres, pas un de moins ! Il était directement issu des anciens  » quarts  » utilisés à bord des navires à voile ; chaque matelot avait le sien, qui servait aussi bien à boire de l’eau qu’à engloutir un  » quart de rhum  » lorsque le bosco était de bonne humeur.

« Je me souviens de mes visites chez Mémé, cette bonne vieille femme qui passait son temps à briquer et à cuisiner pour toute la famille. Bien qu’elle soit petite, mémé était une femme fort en caractère et un mot de sa bouche sifflait comme une gifle. Seulement voilà quand elle s’arrêtait pour prendre son verre d’eau, elle s’asseyait sur son « ti » tabouret et d’un geste souple, remplissait sa moque à l’eau du robinet. Elle y prenait tellement plaisir qu’on oubliait son sale caractère. Quand elle avait fini, elle me tendait la moque et me disait de boire aussi : j’étais impressionnée de constater que boire de l’eau du robinet dans une moque en tôle rendait le liquide plus glacée. Pas besoin d’un frigo dans la case en tôle juste « un moque » dans la cuisine  » lété suffisant « .

Jusqu’à ce jour, « mi continu bois do lo dans la moque bénite » de mémé en fredonnant :

 » Anatole cabot lé mol, la reste pris dans la moque en tôle ! » grand sourire aux lèvres.

Justinien vôtre & Karochérie